Thierry Ducros
ACCUEILHistoire de Sumène. Jacques Fabrègue. Notaire visionnaire . Extrait des notes de Monsieur Boiffils de Massane. Microfilm conservé Aux Archives départementales du Gard, Sous la cote 1 MI 87 R12.Fond Boiffils de Massane. Dans les derniers jours de l'année 1536,un homme de trente ans passé, est entré dans la boutique de Maître Antoine,notaire de Sumène et d'un air de grande connaissance,lui prit les mains en lui disant « Salut Maître Antoine »le notaire jette un regard étonné sur ce maigre visiteur qui l'aborde avec tant d'aisance,lorsque celui-ci ajoute : « Vous ne me reconnaissez pas ,je suis Jacques Fabrègue , Johannès de Fabrica,»comme vous m'appeliez du temps ou j'étais votre petit clerc,votre affilié « Grâce !, vous seriez Jacques ». Tout le monde le croyait mort depuis longtemps. « Et d'où vient tu mon garçon ? » « Vous savez maître que monsieur le prieur de Solanon , me conduisit a son couvent de Montpellier, aspirant faire de moi un religieux, mais cela n'était pas ma vocation. Dans le couvent était logé un docteur de la Sorbonne, venu pour consulter la faculté de médecine. Je lui plut, il me prit a son service, moitié comme secrétaire, moitié comme valet, ainsi me fut il possible de suivre les cours de la faculté des droits de Paris, pendant trois ans et y prendre le titre de Bachelier ez lois. Mais, impliqué dans une mutinerie d'écoliers, j'ai du prendre… le large . J'ai vu bien du pays depuis lors et fait bien des choses. Après tant d'agitations, la nostalgie m'a pris et je reviens au gîte, non sans rapporter, un souvenir palpable de mes travaux. Et il posa sur la table une bourse assez ronde, et la montra au notaire. « J'ai su que vous cherchiez à vous défaire de vos notes, et viens vous proposer de les acquérir » « J'accepte, mon garçon et pour ne pas perdre de temps, je commence par disposer de ta journée ». « Il faut que j'aille aujourd'hui même, recevoir un contrat de mariage au mas de Puechagima, dans la combe du Recodier ». « Dés que nous aurons mangé un morceau ensemble, nous nous mettrons en chemin, tu me serviras de clerc, et je te présenterai à mes pratiques, comme mon successeur» « Très bien répondit Jacques » Dans la Fougagne se trouvèrent rassemblés les futurs avec leurs familles, le notaire avec son nouveau clerc, et quelques invités parmi lesquels, Monsieur le prieur de Saint Roman, personnage vénérable, jouissant d'une très grande réputation de science et de sainteté. Dés que les notes on été prises, la compagnie s'est mise a table. Au dessert, maître Antoine, fort ému a pris la parole. Ainsi qu'il est de convenance, il a d'abord porté la santé des futurs époux, leur souhaitant toutes les prospérités du monde, y compris une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Mais il avait autre chose à dire, et l'a dit en ces termes : « Monsieur le prieur, mes amis, c'est la dernière fois que je remplis mes fonctions, le Roi notre Sire, vient d'ordonner qu'a partir du premier jour de l'année 1537, tous les instruments de notaire, seront rédigés en langue Française » « Moi ,je ne sais parler que la langue Romane,la langue d'OC,je ne connais pas,je ne veux pas apprendre cette langue ,que d'autre essayent,moi je suis trop vieux,il faut donc que je me retire,et je vous présente ici mon successeur Jacques Fabrègue » … Le vieux maître, fondant en larmes n'a put aller plus loin ; tout le monde s'est alors écrié contre l'édit Royal, supprimant la langue Latine. « Mais a dit Jacques, vous ne comprenez pas mieux le latin que le Français » « Belle raison » a riposté une jeune femme « Et que dirait on si quelque seigneur prêtre s'avisait de nous dire la messe en Français ?» « Cela se verra a répondu Jacques, d'une voix grave » « La barbe de ce jeune garçon n'aura pas eu le temps de grisonner, lorsque, ici a Saint Roman, on entendra dire la messe en langue Française » Tout le monde s'est tu, comme attendant la réponse du prieur, mais il s'est contenté de baisser la tête en murmurant : « Dieu est le maître d'envoyer des épreuves a son église » La compagnie s'est séparée sous une impression anxieuse. Le prieur est parti suivi du notaire et de son successeur, au bout de quelques pas il s'est retourné et s'est adressé à Jacques « Où avait vous appris ce que vous venez de dire ? » « J'ai passé ces trois dernières années entre Cologne et Munster, voyez mon révérend quel temps calme et printanier… Les bourgeons des cerclières se gonflent, et la croix posé sur le clocher de Saint Roman, resplendit aux rayons du soleil couchant » « Ce calme est trompeur, avant quarante ans, cette église sera rasée et son clergé dispersé » « Je vois l'église fermée et un temps ou il ne sera plus dit la messe, pas plus en latin qu'en langue Française » « Jeune homme je vois plus loin que vous, plus loin que toute créatures humaines, dans trois siècle et demi, en l'an 1880, l'église de Saint Roman dominera encore la vallée du Recodier, et un prêtre catholique y célébrera des messe en langue latine » Ils étaient arrivés au carrefour .Les deux hommes de loi ont salués le prêtre et après quelques pas, maître Antoine s'est brusquement retourné : « Seigneur Prieur, en l'an 1880, les gens du Recodier parleront ils encore la langue d'OC ? » «Oc,Oc ?si Diou's ou vol » « Bénit sié Diou ! » 1- Jusqu'en 1569, le territoire du Solanon , dans la paroisse de Sumène formait une juridiction et seigneurie distincte ,appartenant au monastère de Saint Martin des Aires,annexé au chapitre Saint Germain et Saint Benoît de Montpellier.,dont un chanoine exerçait les droits seigneuriaux et censuels. 2- Au 16éme siècle, la faculté de Montpellier était la plus célèbre de France. 3- En latin Foganha, littéralement : « pièce ou on fait le feu ».pièce maîtresse du mas, de nos jours, c'est la cuisine. 4- François 1er.édit de 1536.à partir de cette date, la langue d'OC, se trouva reléguée au rang de patois. 5- Elle sera effectivement détruite en 1576 par les réformés, transformée en prêche entre.1620 et 1630 sous les guerres du Duc de Rohan, brûlée en 1703, ainsi que la tour du Château.